Data brokers

Chronique de la Place de la toile du 20 octobre 2012, avec Alexis Blanchet « Cinéma et jeux vidéo ».

Un sénateur John D. Rockefeller IV, 4e du nom. Descendant de John D. 1er, magnat du pétrole. John Rockefeller IV est sénateur depuis 1985. Auteur d’un projet de loi en 2011 intitulé Do not track online. L’idée du Do Not Track, pour «  ne pas pister  » les internautes c’est en gros de réglementer la collecte des données personnelles en ligne. Mais il en est où ce projet ? Voyons. Govtrack.us, tiens un site pour suivre l’évolution des textes de lois, pratique… le projet est toujours en commission, apparemment. Le site estime qu’il a 3% de chances d’être voté… pourquoi  ? 3%, c’est la part de projets de lois finalement votés au Sénat en 2010. Bien. Tout ça pour dire que notre sénateur a de la suite dans les idées. L’enquête qu’il a lancé le 10 octobre dernier, et qui d’ailleurs n’est pas la première, concerne à nouveau le traçage des données personnelles en ligne.

L’enquête vise neuf «  data brokers  » ; comment on pourrait traduire  ça ? «  courtiers en information  »  ? Mouais, ou marchands de données personnelles. Des entreprises qui ont pour nom Axciom ou Equifax qui brassent des milliards de dollars, et dont le capital consiste surtout en informations sur nos habitudes de vie à nous internautes… nos déplacements, nos objets de consommation…  Bon mais c’est pas nouveau, on sait bien que Google et Facebook assoient leur fortune sur nos données personnelles. Le data-mining, l’extraction et l’exploitation de données, c’est un business juteux. Y a qu’à voir le nombre de trackers qui se déclenchent chaque fois que je vais sur un site quelconque : pas moins de 7 trackers pour le monde.fr par exemple. Si je le sais c’est parce qu’ils s’affichent en haut à droite de mon navigateur, juste là… J’ai installé un ptit plugin qui s’appelle Ghostery, ça me permet de repérer les trackers et de les bloquer si je veux. (Faut que je dise à Xavier de l’installer). J’ai plein d’archives sur le sujet. Tag data-mining sur Seenthis. Dernière occurrence recensée, Verizon, la grande entreprise de télécoms américaines, suspectée d’abuser du profilage de ses usagers après que son directeur marketing a déclaré  : «  nous pouvons observer tout ce que font nos internautes  »  ; « les données sont le nouveau pétrole  ». Pas la première fois que je lis ça.

Mais alors qu’est-ce qu’apporte de nouveau l’enquête ouverte par notre sénateur  ? Prenons Axciom. Voilà, un long papier du NYT. Je lis… Ah oui donc si je comprends bien, la différence avec Google ou Facebook, c’est que ces entreprises ne se contentent pas de collecter des données dans une base, mais plutôt de relier différentes bases entre elles… Et vu que ces courtiers comptent les plus grandes entreprises de e-commerce dans leur clients, une partie du job est déjà faite… Reste à corréler les données commerciales, à d’autres plus personnelles (tirées des réseaux sociaux), d’autres encore médicales et puis financières, aussi. Mais comment ? Ce sont des gens, des programmes, des algorithmes qui font ces croisements  ?… Et puis quelles barrières s’autorisent-ils à franchir  ? Se limitent-ils à ce qui est public ou forcent-ils quelques verrous parfois  ? Et en France alors  ?… «  Le commerce en ligne français s’arrache les data miners  » sur le site des Echos. En France les data brokers recrutent à prix d’or des mathématiciens et des ingénieurs… Pourquoi pas après tout. Ce qui inquiète surtout John Rockefeller c’est que ces données soient utilisées par des organismes de crédits… qui proposent ensuite des prêts à des gens, après s’être fait grâce à des boîtes comme Axciom une idée très précise du profil du débiteur, et du «  risque  » qu’il représente.

Bon, ça fait réagir un peu cette enquête ou pas  ? Déclaration de la directrice de la Direct Marketing Association  : «  le sénateur se lance à l’aveuglette dans une expédition sans fondement  !  ». Hum… Wikipedia. Direct Maketing Association, lobby international, regroupe la moitié des 100 plus grandes entreprises du monde. Oeuvre depuis 1917 en faveur du «  marketing direct  »  ; de la publicité ciblée en gros. Y a une page Wikipedia en français. Elle détaille les techniques utilisées et leur évolution depuis un siècle. Bon, j’entre pas dans les détails, mais le taux de rendement de ces techniques de marketing ciblé a été décuplé par la puissance de calcul des ordinateurs…. Sont très malins à la Direct Marketing Association. Sur leur site, ils proposent même un ptit programme pour trier les pubs qui arrivent dans les boites mails. Un petit programme qui nécessite une inscription, adresse obligatoire. C’est astucieux ça tiens  : proposer le poison et le remède en même temps.

Si je résume. Pour nos données personnelles, il y a donc plus dangeureux que Google et Facebook, qui au moins sont identifiés. Il y a toutes ces entreprises qu’on ne connaît pas, qui collectent des données récupérées on ne sait où et amassent des fortunes en les revendant à on ne sait qui.

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