L’oeil connecté mais pas – encore – corrigé
Chronique de la Place de la toile du 18 mai : « Les ordinateurs et l’informatique au cinéma »
Les google glass corrigeront-elles la vue ?
Je ne crois pas que ce soit leur but : les lunettes google, qui ne seront pas commercialisées avant plusieurs mois, « augmenteront » la vue, ça oui c’est l’idée, mais la corrigeront-elles ? Ma recherche… google, associant « lunettes Google » à « opthalmo » ou à « optique » n’a bizarrement donné aucun résultat. Il est certain pourtant que Google a consulté des spécialistes de l’oeil et de la lunette, dans son désir de proposer un affichage qui ne soit pas trop invasif, qui ne précipite pas les automobilistes sur des platanes et les marcheurs sur les poteaux. Mais nulle trace de ces consultations dans son propre moteur de recherche.
Premier indice que ces lunettes-là n’ont rien à voir avec l’ophtalmologie : le singulier ; on dit « google glass » et non pas « google glasses », façon de signifier qu’il s’agit plutôt d’UN ordinateur que d’une PAIRE de verres. D’ailleurs, ces lunettes n’ont tout simplement pas de verres, elles sont plus proches d’un casque, ou mieux d’un kit oreillette, avec projection de lumière à même l’oeil.
Je grapille quelques informations à droite à gauche sur LA lunette google donc. Première chose, c’est un peu au-dessus de l’oeil droit, de telle sorte que la vision ne soit pas gênée, qu’est délimitée la zone d’affichage de l’information ; Pour l’heure, cependant, impossible de la greffer sur des lunettes de vue ; les bigleux comme moi sont donc pris de maux de tête en les chaussant. Je ne sais pas ce que ça donne avec des lentilles de contact. Google serait en train de travailler sur une version compatible avec des verres correcteurs, mais pour l’heure, je peux donc dire que la google glass augmente la vision sans corriger la vue.
D’après Google, voir avec la lunette, si l’on veut une analogie, ce sera comme regarder un écran de 25 pouces à 2 mètres et demi de distance, mais il semblerait là encore que pour l’heure, la résolution et la netteté des couleurs ne soient pas tout à fait au point. A voir et revoir les vidéos de présentation de ce prêt-à-porter numérique, qui s’insinuera bientôt dans notre quotidien, rendant les ordinateurs plus omniprésents, et surtout plus indétectables que jamais, il s’agit donc moins de corriger un défaut physique — morphologique, ophtalmologique (défaut qui se donne sur une certaine échelle, un oeil noté sur dix par exemple) — que de corriger, un défaut de l’humanité : je veux parler de l’exhaustivité, inatteignable à nous autres humains oublieux.
Certes, rien de ce que permet la lunette ne va au-delà de ce qui est aujourd’hui permis à l’intelligence humaine : nous n’en sommes pas encore au point de « singularité » visé par le transhumanisme, c’est toujours ça. Ce qu’elle permet, c’est plutôt d’élever les capacités humaines existantes : la mémoire visuelle, l’orientation géographique, l’orientation dans la pensée, la communication ; et les élever à un niveau d’exhaustivité jamais atteint : la mémoire totale par la capacité de tout filmer, de tout photographier d’un battement de cil ; mais aussi l’orientation totale, via la géolocalisation de Google maps et la puissance de son moteur de recherche ; enfin, la communication totale, par la visioconférence disponible à tout instant… associée à la possibilité d’écrire par commande vocale… tout cela, à condition de disposer de connectivité au réseau, bien entendu.
White Men Wearing Google Glass « In its favour, if Google Glass didn’t exist, all these Silicon Valley guys would be having affairs or buying unsuitable motorbikes”
Donc non, la google glass ne corrigera pas la vue. Peut-être nous fera-t-elle relever le nez de nos écrans de téléphones, mais dans ce retour du face à face, la seule vision claire de soi, des autres – mais surtout de soi, c’est Goole qui l’aura.
Du fixe et du flux 